dimanche 24 mai 2015

La matière noire






Existe-t-il une matière invisible dans l'Univers? Nous savons déjà qu'elle existe dans les trous noirs (voir mon précédent article). Depuis plus de 80 ans astronomes, astrophysiciens et autres chercheurs étudient l'existence et la nature de cette mystérieuse matière appelée matière noire ou matière sombre (dark matter).

La courbe de rotation d'une galaxie spirale
                                                                                                        
                                                                                                    
Représentons la vitesse de rotation d'une étoile en fonction de sa distance au centre d'une galaxie spirale. 
Plus une étoile est loin du centre de la galaxie, plus sa vitesse de rotation devrait diminuer suivant une loi de Képler (courbe de rotation A).
En réalité les astrophysiciens ont constaté que cette vitesse était constante (courbe B).
On pense que c'est la présence de matière noire qui maintient cette vitesse constante.                                                                                                                                                                                                     


Des halos enveloppent les galaxies

L'amas de galaxies Abell 3827 ci-contre se trouve à environ 1,4 milliard d'années-lumière de la Terre. Il a été observé au VLT, télescope du Paranal au Chili (voir mon précédent article). On voit au centre quatre galaxies qui brillent, auréolées d'arcs bleutés.
Comment interpréter ces observations? On pense que chacune de ces quatre galaxies est enveloppée d'un halo, un "cocon" de matière noire. Les arcs bleutés sont les images d'une galaxie lointaine, données par les halos qui jouent le rôle de lentilles (appelées lentilles gravitationnelles).

Nature de la matière noire
Je pense avoir bien compris les observations illustrées précédentes et j'espère vous avoir convaincus de l'existence de cette matière noire. Mais quelle est sa nature? De quoi est-elle faite? C'est un grand mystère. On pense qu'il y a deux sortes de matière noire:
la matière noire baryonique composée, comme la matière ordinaire, de particules élémentaires appelées baryons: les protons et les neutrons;
et la matière noire non baryonique ou exotique composée de particules hypothétiques : neutrino, WIMP (weakly interacting massive particle),  MACHO (massive astronomical compact halo object), Axion, boson de Higgs peut-être??

Remarque
On ne doit surtout pas confondre matière noire (ou sombre) et énergie noire (ou sombre).
La matière noire exerce une attraction gravitationnelle, alors que l'énergie noire repousse au contraire la matière et est responsable de l'expansion de l'Univers.

Selon les astrophysiciens, l'Univers est composé environ de:
  4% de matière ordinaire visible
  21% de matière noire
  75% d'énergie noire




                                                                                 

jeudi 14 mai 2015

Les trous noirs

Dans sa théorie de la relativité générale, Einstein avait prédit l'existence de "singularités gravitationnelles" n'émettant ni ne réfléchissant de la lumière. Elles étaient donc noires et par conséquent invisibles pour les astronomes. Comment alors les détecter? La prédiction d'Einstein a-t-elle été vérifiée?

Qu'est-ce qu'un trou noir
C'est une étoile en fin de vie, massive (sa masse peut être égale à plusieurs fois la masse du Soleil et même atteindre des millions ou des milliards de fois celle du Soleil) qui s'éteint, s'effondre sur elle-même. Sa matière a une telle densité que la gravitation, l'attraction newtonienne qu'elle exerce, est énorme. Tout ce qui passe à sa portée, aussi bien de la matière que de la lumière, est attiré et tombe comme dans un trou en quelque sorte (d'où le nom de "trou").

Aucune lumière ne s'en échappe (d'où le qualificatif de "noir").

Comment détecter un trou noir
Des bouffées de rayons X et de rayons gamma, lorsque la matière entre dans le trou noir, peuvent être détectées par les radiotélescopes.

Les astronomes peuvent aussi observer, à l'aide de télescopes puissants, les déplacements d'étoiles s'approchant de l'ogre qui va les dévorer! Nous allons en donner un exemple.

Un trou noir est au centre  de notre galaxie

Sous le beau ciel pur du Cerro Paranal au Chili, à 2635 m d'altitude, l'observatoire européen austral ESO a installé le VLT   (Very Large Telescope) composé de 4 télescopes de 8,20 m de diamètre  et de 3 télescopes auxiliaires mobiles de 1,80 m de diamètre (ce sont les 3 coupoles à droite, au premier plan), formant un réseau pouvant observer des objets situés à des milliers d'années-lumière (des milliards de km).

En 2002, le VLT a pu suivre le mouvement de l'étoile géante bleue S2 décrivant une ellipse en 15 ans environ, à la vitesse de 5000 km/s, autour d'un objet central massif le Sagittarius A* qui n'est autre qu'un trou noir de masse égale à environ 2,7 millions de fois celle de notre Soleil. Ce trou noir est au centre de notre galaxie (la voie lactée).

L'étoile S2 s'approchant dangereusement de ce trou noir, de ce puits gravitationnel, finira bien par y tomber un jour!

L'horizon d'un trou noir
La margelle de ce puits, les astronomes l'appellent "horizon du trou noir". Plus précisément, cet horizon est une zone sphérique délimitant une région dans laquelle l'espace-temps est profondément modifié (modification de la courbure de l'espace, modification du temps), une région d'où la matière et la lumière ne peuvent s'échapper.

Une étoile apparaissant à l'horizon d'un trou noir atteint un point de non-retour, elle ne peut plus revenir en arrière, elle plonge alors inexorablement dans le trou noir en dégageant des bouffées de rayons X et de rayons gamma.

La traque aux trous noirs
On a découvert trois sortes de trous noirs, ces ogres de la matière:

  • Les stellaires de masse comprise entre 3,5 et 100 fois celle du Soleil. Dans un couple d'étoiles, l'une des deux étoiles s'effondre et devient un trou noir stellaire absorbant la matière de l'étoile qui l'accompagne.
  • Les intermédiaires de masse comprise entre 100 et des milliers de fois celle du Soleil. On les trouve au coeur des amas globulaires (amas contenant une multitude d'étoiles).
  • Les supermassifs de masse des millions voire des milliards de fois celle du Soleil. On les trouve au centre des galaxies (comme la nôtre).
Conclusion
J'espère que les trous noirs, ogres d'étoiles, tueurs en série, ne vous ont pas effrayés!

Rassurez-vous, sous l'effet d'ondes de choc, des milliards de nouvelles étoiles prennent naissance.
Le télescope spatial Hubble a montré de belles pouponnières d'étoiles qui vont grandir. Vous pouvez lire à ce sujet mon article "Naissance,vie et mort d'une étoile" du 07 / 09 / 2013.

La vie continue! Même chez les étoiles!





samedi 9 mai 2015

Nicolas Bourbaki

Je vais vous parler d'un grand mathématicien, célèbre sans avoir jamais existé!

L'apparition de Nicolas Bourbaki 
En 1923 un éminent professeur, pourvu d'une longue barbe, fit son apparition à l'Ecole Normale Supérieure de Paris sous le nom de Nicolas Bourbaki. Il déclara qu'il venait de Poldévie. Devant des élèves médusés, il fit une conférence totalement incompréhensible avec des raisonnements subtilement faux, essayant de démontrer un mystérieux "théorème de Bourbaki"??.....

Mais ce n'était qu'un canular! Nicolas Bourbaki était un mathématicien imaginaire, la Poldévie n'avait jamais existé. L'auteur du canular avait voulu amuser ses camarades de l'Ecole Normale. Ce canular deviendra célèbre, comme nous allons le voir.

Le groupe Bourbaki
La révolution des mathématiques couvait depuis bien longtemps, les traités de mathématiques écrits au XIX ème siècle étaient loin d'être satisfaisants. C'est en 1935, douze ans après la sortie de la blague précédente, que la révolution éclata par la création du groupe Bourbaki, du nom de notre personnage imaginaire.

Ce groupe entreprit une refonte complète des mathématiques dans une série d'ouvrages sous le titre "Eléments de mathématique" cohérents et rigoureux. Les mathématiques modernes étaient nées.

La limite d'âge pour rester dans le groupe étant de 50 ans, celui-ci fut sans cesse renouvelé par de jeunes générations.

Voici une photo historique. Elle a été prise lors du troisième anniversaire du groupe Bourbaki. On y trouve, de gauche à droite, la philosophe Simone Weil, les normaliens Charles Pisot, André Weil dont on voit le front, Jean Dieudonné assis, Claude Chabauty, Charles Ehresmann et Jean Delsarte. On pense que la photo a été prise par Henri Cartan.



L'Association des Collaborateurs de Nicolas Bourbaki
En 1952 le groupe Bourbaki s'élargit et devint l'Association des Collaborateurs de Nicolas Bourbaki. Elle  poursuivit les travaux de rénovation des mathématiques.

La mort de Nicolas Bourbaki
Voici un extrait du faire-part de son décès, aussi fantaisiste et aussi drôle que le célèbre canular. On y trouve de grands mathématiciens du XX ème siècle:
   
« Les familles Cantor, Hilbert, Noether ; les familles Cartan, Chevalley, Dieudonné, Weil ; les familles Bruhat, Dixmier, Samuel, Schwartz ; les familles Cartier, Grothendieck, Malgrange, Serre ; les familles Demazure, Douady, Giraud, Verdier ; les familles filtrantes à droite et les épimorphismes stricts, mesdemoiselles Adèle et Idèle ;
ont la douleur de vous faire part du décès de M. Nicolas Bourbaki, leur père, frère, fils, petit-fils arrière-petit-fils et petit-cousin respectivement, pieusement décédé le 11 novembre 1968, jour anniversaire de la victoire, en son domicile de Nancago. La crémation aura lieu le samedi 23 novembre 1968 à 15 heures au cimetière des fonctions aléatoires, métro Markov et Gödel......»

Les séminaires Nicolas Bourbaki
Aujourd'hui encore, nombreux sont les séminaires portant le nom de ce personnage imaginaire. Nicolas Bourbaki est toujours présent !

Les livres de Nicolas Bourbaki
Beaucoup de livres se vendent encore aujourd'hui, dont l'auteur est un mathématicien qui n'a jamais existé!



Conclusion

Personnellement, à travers cette fabuleuse histoire, j'ai voulu rendre hommage à André Revuz et Michel Queysanne, deux réels descendants de Bourbaki par leurs travaux, que j'ai bien connus et qui m'ont appris tellement de choses !

J'espère que ce canular,qui a marqué une grande révolution des mathématiques en France,vous a quelque peu intéressés,même si vous n'aimez pas les mathématiques!
                         
                                          VIVE  NICOLAS  BOURBAKI      

         


vendredi 1 mai 2015

Les quatre saisons

Ce ne sont pas les concertos des "quatre saisons" de Vivaldi mais les quatre périodes de l'année: l'automne, l'hiver, le printemps et l'été, dont je vais vous parler. J'ai remarqué, à ma grande surprise, que lorsque nous sommes le plus près du Soleil il fait le plus froid et lorsque nous en sommes le plus éloignés il fait le plus chaud. Incroyable mais vrai ! Je vais vous expliquer pourquoi.

Un curieux paradoxe








Voici une figure représentant le mouvement de la Terre autour du Soleil lorsque l'on est dans l'hémisphère Nord.

L'orbite de la Terre est presque un cercle. La Terre, comme toutes les planètes, décrit une ellipse dont le Soleil est l'un des foyers (c'est la première loi de Képler), dans le sens de la flèche rouge.

Le périhélie est la position de la Terre la plus proche du Soleil.

L'aphélie est celle qui est la plus éloignée du Soleil.

On constate que du solstice d'hiver à l'équinoxe de printemps la Terre est le plus près du Soleil et c'est l'hiver, du solstice d'été à l'équinoxe d'automne la Terre est la plus éloignée du Soleil et c'est l'été.

Lorsqu'on est plus près du Soleil on pourrait penser que l'on se réchaufferait davantage or c'est l'hiver et lorsqu'on s'éloigne du Soleil il ferait plus froid or c'est le contraire, c'est l'été!!

Comment expliquer ce paradoxe?

L'inclinaison de l'axe du monde
L'axe du monde, c'est-à-dire l'axe de rotation de la Terre sur elle-même passant par le pôle Nord et le pôle Sud, n'est pas perpendiculaire au plan de l'orbite terrestre. C'est son inclinaison qui crée les saisons.


Des environs du 21 Septembre aux environs du 20 Mars :

Le pôle Nord est dans l'ombre. Au voisinage de ce pôle, dans la calotte boréale limitée par le cercle arctique, c'est la nuit complète une partie de l'année.

Dans l'hémisphère Nord, les rayons sont inclinés, le Soleil n'est pas très haut, les jours sont plus courts que les nuits: c'est l'automne puis l'hiver.

Dans l'hémisphère Sud, les rayons du Soleil frappent "en pleine face", le  Soleil est plus haut, les jours sont plus longs que les nuits: c'est le printemps puis l'été.

Des environs du 20 Mars aux environs du 21 Septembre suivant :

Le pôle Nord est éclairé. Au voisinage de ce pôle, dans la calotte boréale, il fait jour une partie de l'année  et l'on peut contempler le magnifique Soleil de minuit!

Dans l'hémisphère Nord, c'est le printemps puis l'été définis comme précédemment.

Dans l'hémisphère Sud, c'est l'automne puis l'hiver définis comme précédemment.

Les inégalités des saisons 
Reprenons la première figure donnant la durée des saisons dans l'hémisphère Nord au cours d'une année. On lit:
   
     durée de l'automne: 89j 21h
     durée de l'hiver :      89j
     durée du printemps: 92j 18h
     durée de l'été:           93j 15h

Ces durées inégales des saisons s'expliquent par la 2ème loi de Képler (la loi des aires) : les durées des saisons sont proportionnelles aux aires balayées par le rayon ST (Soleil-Terre). Cela signifie que le rapport (durée / aire) reste toujours le même, plus l'aire est grande, plus la durée est longue.

Si la distance Soleil-Terre n'intervient pas dans la formation des saisons, elle intervient dans la durée des saisons : l'hiver est la plus courte saison parce que l'aire balayée par le rayon ST est la plus petite car la distance Soleil-Terre est la plus petite. Au contraire, l'été est la plus longue saison parce que l'aire balayée par le rayon ST est la plus grande car la distance Soleil-Terre est la plus grande.

Conclusion
Périhélie, Aphélie, voilà de bien jolis noms ! Est-ce que vous les connaissiez ?

J'ai parlé du réchauffement de notre planète par le Soleil, mais je n'ai rien dit de son réchauffement par les gaz à effet de serre ni de son réchauffement périodique au cours des siècles. Ceci est une autre histoire !